Dans les quatre derniers articles, nous avons vu les raisons pour lesquelles il est important d’évaluer nos compétences linguistiques et lesquelles devaient l’être. Dans les deux prochains articles, nous aborderons la question suivante :
Dans la pratique, de quelle maniére planifier et effectuer l’évaluation ?
Tout d’abord, prenez les trois grandes catégories (ou les cinq, si vous travaillez dans une langue dite ‘écrite’) examinées dans le précédent article : la compréhension orale, l’expression orale, la capacité à converser – et choisissez des activités permettant à l’apprenant de montrer ses compétences dans chacune de ces catégories.
Ainsi, par exemple, pour la catégorie concernant la compréhension orale, vous choisirez un enregistrement et demanderez à l’apprenant de résumer ce qu’il a compris.
Pour l’expression orale, vous pourrez dresser une liste de commentaires, de descriptions, d’histoires ou d’arguments convaincants; alors que pour tester la capacité à converser, il vaut mieux préparer des jeux de rôle, où l’apprenant et le locuteur natif doivent si possible arriver à se mettre d’accord ou à trouver une solution.
Comment utiliser ces activités? Il est important d’avoir la présence d’un locuteur natif de la langue en cours d’apprentissage, pour faire ces activités avec lui. Si les activités s’avèrent trop ardues, choisissez-en de plus faciles et vice-versa. On appelle cette technique «spirale» ; elle est couramment utilisée dans la compétence d’entrevue orale (oral interview) conçue par le Conseil américain des enseignants de langues étrangères (ACTFL).
On part de l’idée qu’il faut continuer à « pousser » la capacité de l’apprenant dans une certaine catégorie jusqu’à ce que ce soit clair qu’il n’est plus capable de poursuivre l’exercice. Il est donc essentiel de continuer à faire écouter des enregistrements de plus en plus difficiles, jusqu’à ce que l’apprenant ne puisse plus les suivre confortablement.Ou encore, le locuteur natif continue de poser des questions de plus en plus compliquées, jusqu’à ce que l’apprenant soit dans l’incapacité de répondre correctement. Cela donne à l’évaluateur une idée bien définie des limites des compétences de l’apprenant.
Assurez-vous toutefois de tester non seulement les capacités globales au sein de chacune des trois catégories (ou des cinq, selon le type de langue) mais aussi les sous-compétences (j’en ai énuméré dans le dernier article). Prêtez bien attention à chaque fois que ces compétences sont mises en évidence (ou non) dans le processus d’évaluation.
Si vous avez un doute sur la maîtrise de certaines sous-compétences, ayez recours à des activités (préparées à l’avance) qui isolent les compétences. Par exemple, si vous voulez tester la capacité de l’apprenant à comprendre des mots complexes (mots à morphèmes ‘agglutinés’), vous pourrez utiliser un texte (ou un enregistrement) lu par le locuteur natif et contenant plusieurs mots de ce type. Puis jugez comment l’apprenant se débrouille avec ces mots.
Voici donc un aperçu du procédé à suivre pour que l’évaluation s’opère dans de bonnes conditions.
Quelques remarques :
- Tout d’abord, l’évaluation doit impérativement être menée dans un langage naturel et dans un environnement interactif. Vous éviterez à tout prix d’évaluer la capacité de l’apprenant dans un cadre artificiel qui ne correspond pas à une situation vécue de l’apprenant. Ainsi, ne comptez pas uniquement sur les enregistrements – l’idéal étant bien sûr une interaction avec un locuteur natif.
Ne laissez pas non plus l’apprenant parler pendant de longues minutes sans interruption. Cela arrive rarement dans la vie réelle. En d’autres termes, faites une évaluation au plus proche de la réalité quotidienne, tout en vous assurant que les diverses compétences se révèlent aussi clairement que possible. - Deuxièmement, les apprenants ne devraient pas être encouragés à «étudier pour le test». Evitez aussi de choisir des sujets que les apprenants connaissent bien et de baser toutes vos activités autour de sujets déjà plus ou moins maîtrisés. Prenez soin de choisir un large panel de sujets, concernant un large éventail de domaines de la vie, afin d’obtenir une meilleure image globale du niveau de langue de l’apprenant.
- Dernier point, assurez-vous que l’évaluation reste encourageante et motivante pour l’apprenant. Dans le premier article sur ce sujet, j’ai insisté sur le fait que si une évaluation n’encourage pas l’apprenant à aller de l’avant et à voir ses progrès, mieux vaut s’abstenir ou la remettre à plus tard. Assurez-vous qu’en testant les capacités de l’apprenant et en explorant ses limites, cela s’effectue dans un esprit d’encouragement et d’empathie.
Voici donc les lignes directrices d’une évaluation. Le prochain article portera sur des points plus spécifiques liés au déroulement d’une évaluation.