Il était une fois un bûcheron qui, comme tous les bûcherons cités dans les contes, avait beaucoup d’enfants. En été, il attrapait des coups de soleil tandis qu’en hiver il était trempé comme une soupe. Chaque jour, il travaillait toute la journée afin de ramasser un tas de bûches qu’il vendait pour pouvoir nourrir sa famille. Si un jour il ne travaillait pas, sa femme et ses enfants mouraient de faim.
Un jour, abattu par la tristesse, il alla voir un vieux sage qui habitait aux alentours. Il lui demanda : « Dites-moi monsieur pourquoi les gens ne sont-ils pas tous pareils malgré qu’on soit tous la création de Dieu ? Certains sont riches et aisés, d’autres sont riches comme Crésus alors que moi je suis dans un tel état. Qu’ai-je fait de mal ? Est-ce que c’est juste ? Vous êtes un homme sage et vous saurez me répondre : Qui ordonne les sorts ? »
Le vieil homme répondit : « Ne savais-tu pas que Dieu créa l’homme et ordonne à chacun son sort ? » Avant qu’il n’eût fini sa phrase, le bûcheron lui tourna le dos et s’en alla sans dire au revoir. Le vieil homme lui dit : « Reviens, j’ai quelque chose à te dire. »
« Non, ce n’est pas nécessaire, je sais maintenant à qui je dois parler et je vais aller le voir », l’autre répondit. Il semblait que la pauvreté et la faim qu’il endurait lui avait fait perdre la tête. Il quitta le pays et se mit en route en comptant ses pas. Soudainement, Dieu lui envoya un ange qui lui demanda : « Où vas-tu mon fils ? »
« Je suis en route vers Dieu pour savoir pourquoi je suis dans un tel état », répondit le bûcheron.
« Veux-tu que je t’indique le chemin ? », l’ange demanda.
« Bien sûr – merci beaucoup », répondit le bûcheron.
« Prends cette route et tu y arriveras. Mais fais attention : il ne faut rien dire face à ce que tu rencontreras dans la route, contente-toi de regarder. »
Il salua l’ange et continua son chemin jusqu’à ce qu’il rencontrât une paysanne qui empila ses bûches dans un filet qu’elle avait mis sur la terre. Lui, il était bûcheron et alors, tout comme le cordonnier qui remarque tes chaussures, le coiffeur qui remarque si t’es bien coiffé ou pas ou le tailleur qui remarque tes vêtements, quand il aperçut une femme qui empila des bûches dans un filet, il s’arrêta pour la regarder. Après avoir empilé les bûches et attaché le filet, elle s’apprêta à porter le filet sur son épaule mais n’y arriva pas. Le filet ne cessa de tomber ; elle essaya mais en vain. Quand elle finit en détachant le filet, le bûcheron pensa qu’elle allait diminuer le nombre de bûches. Cependant, ce ne fut pas le cas et elle empila encore plus de bûches.
« Quoi ! elle devait diminuer le nombre de bûches au lieu d’en augmenter ! », dit-t-il.
Elle essaya encore une fois d’attacher le filet et en s’apprêtant à le porter, elle tomba. Elle le détacha de nouveau et le bûcheron pensa que cette fois-ci elle allait certes diminuer le nombre de bûches. Mais au lieu de faire ça elle alla chercher d’autres bûches qu’elle empila jusqu’à ce qu’elle eût un énorme tas. Elle s’apprêta alors à nouer la corde mais celle-ci était trop courte pour attacher le filet. Alors, elle enleva donc son foulard et sa ceinture et les noua avec la corde. Elle essaya encore de porter le filet mais en vain – elle était même incapable de le faire bouger.
Le bûcheron cria : « Madame, vous auriez dû diminuer le nombre de bûches au lieu de l’augmenter ! Comment arriverez-vous à porter un tel poids ? »
Il venait tout juste de prononcer cette phrase et la femme et son tas de bûches disparurent. Il ne resta que son compagnon qui lui avait indiqué le chemin : « Ne t’ai-je pas conseillé de rien dire? » lui dit-il.
« Oui, mais je n’en pouvais plus, je ne voulais que la conseiller. Dès maintenant, je ne parlerai pas » répondit le bûcheron.
« D’accord, vas-y, continue ton chemin », dit l’ange.
Il s’en alla et, une heure après, il rencontra un chasseur qui courait et sursautait en tenant son fusil, le souffle coupé. Il était rouge comme une tomate et suait de grosses gouttes. Il courait après un lapin qui sursautait, mais il y avait un lion qui courait après le chasseur, la bouche ouverte, et qui était sur le point de le dévorer.
« Sauve-toi, il y a un lion derrière toi », cria le bûcheron.
Tout d’un coup, le lapin, le chasseur et le lion disparurent, et il ne resta que l’ange qui s’adressa au bûcheron : « Qu’est-ce qui se passe ?! Ne t’ai-je pas demandé de ne plus parler ? »
« Je ne blasphémais pas ! Le chasseur fut sur le point d’être dévoré par un lion, il fallait que je l’alerte ! On doit donner du conseil si on peut, non ? »
« Eh bien, vas-y, je te laisse », dit l’ange.
« Je te demande pardon, je ne le referai plus. Je mets un bouchon dans ma bouche », supplia le bûcheron.
« Bien, vas-y, poursuis ton chemin », répondit l’ange.
Le bûcheron poursuivit son chemin. Il arriva à une ville et commença à se promener dans les rues et les marchés. Il arriva finalement au marché de viande. Il aperçut un boucher qui vendait la viande des jeunes agneaux, une viande tendre et exquise qui peut être cuite à la vapeur. Cependant, il n’y avait personne là pour l’acheter, et le boucher passait le temps en essayant de chasser les mouches. Poursuivant son chemin, le bûcheron aperçut une foule de gens qui se battaient et entendit des cris. Il y avait des choses jetées par terre, et des gens qui se donnaient des coups de pied et se poussaient. « Ça doit être un festin », pensa-t-il.
Il se faufila entre les gens, se faisant piétiner des fois jusqu’à ce qu’il arriva. Qu’est-ce qui se passait ? La foule se trouva en face d’une boucherie. Même si la viande y vendue était noircie et pourrie, envahie par des vers et d’une odeur désagréable, les gens était venus en masse pour l’acheter : l’un voulut cinq cent grammes, l’autre un kilo, ils se battaient pour être servi en premier.
Il commença à reculer en se poussant du dos et avec ses épaules. Il sortit de la foule et s’appuyait contre un mur pour observer, avec étonnement, la ville, son peuple et leurs coutumes. Soudainement, il vit un homme originaire du pays, tiré à quatre épingles, qui portait une jebba (costume traditionnel) en lin fraîchement repassée, une coiffe brodée, un collier et une montre en or en, et des chaussettes sur lesquelles une feuille de palmier fut dessinée. Il se pavanait vers la boucherie dans ses babouches.
Il se joignit à la foule, plia sa jebba et se faufila entre les gens. Attristé en le voyant ainsi, le bûcheron essaya de le retirer : « Monsieur, il me semble que vous êtes quelqu’un de bonne famille, un bonhomme bien éduqué, pourquoi vous mettez-vous dans une telle situation ? Pourquoi leur permettez-vous de vous frapper, de vous pousser et de déchirer vous vêtements, et tout ça pour avoir de la viande pourrie immangeable ? Venez voir la meilleure viande là-bas. »
Et avant qu’il n’ait fini de parler, il se trouva seul dans un lieu désert. Tout avait disparu, sauf l’ange, qui disait, « Tu n’atteindras jamais ton objectif tant que tu ne restes jamais silencieux, il vaut mieux que tu retournes à ton pays », dit-il.
« Vous avez raison, monsieur, il vaut mieux que je retourne à mon pays où je peux manger du pain et boire de l’eau. Ça serait beaucoup mieux que de voir de telles choses inadmissibles. Comment peut-on voir de telles choses et rester silencieux ? », répondit le bûcheron
« Ces sont des signes du Dieu qui m’a envoyé pour t’alerter », répondit l’ange.
« Tout est évident », dit le bûcheron, « que dois-je comprendre ? »
« Non, ce n’est pas évident. La paysanne que tu as rencontrée, elle représente l’être humain de nos jours. Le tas de bûches représente ses péchés. Et au lieu de se débarrasser de ses péchés en croyant, en faisant le bien et en priant afin que Dieu le pardonne, l’être humain commet encore plus de péchés. Quant au chasseur, il représente l’être humain également, le lapin c’est l’argent et la vie, le lion c’est la mort. On court souvent après l’argent et cherche à en acquérir que ce soit d’une manière honnête ou pas, on épargne et on oublie que finalement on va tous mourir. Quant au peuple qui achetait de la viande pourrie ne prêtant aucune attention à la viande fraîche, leur argent est acquis d’une manière malhonnête. L’argent mal acquis mène aux ténèbres, il n’y a rien mieux que l’argent bien mérité. Un petit morceau de pain et un verre d’eau bien gagnés valent mieux que devenir riche à travers le péché, comme Crésus, tu vois ? »
« Oui, je vois », répondit le bûcheron, qui se repentit et se trouva soudainement dans son pays, entouré par sa femme et ses enfants. Il tint sa hache et s’en alla pour travailler comme d’habitude, et Dieu lui accorda de la bonne santé et des richesses.